1. Ce qu’il faut retenir

La cour d’appel de Douai réaffirme qu’en présence d’un pacte Dutreil réputé acquis :

  • seul un donataire (ou héritier) peut exercer la fonction de direction éligible dans la société après la transmission. Ceci confirme ainsi la réponse ministérielle Moreau reprise au BOFiP dans ses commentaires du 21 décembre 2021 (RM Moreau, JOAN 7 mars 2017, n° 99759) ;
  • le donateur peut continuer à diriger la société après la transmission, avec l’un des donataires.

Cette décision infirme ainsi clairement la doctrine décrite par le BOFiP en vigueur entre le 6 avril et le 21 décembre 2021. Elle pourra être utilisée pour répondre à l’administration sur les transmissions réalisées pendant cette période sensible, voire avant.

Pour rappel, l’exonération Dutreil peut s’appliquer si les fonctions de direction sont exercées après la transmission (donation ou décès) et pendant les 3 années qui suivent :

  • par l’un des signataires du pacte (y compris le donateur) ;
  • ou par l’un des donataires, héritiers ou légataires.

Lorsqu’un pacte Dutreil a été signé, les donataires ne dirigent pas nécessairement la société après la transmission puisqu’un signataire de l’engagement collectif (le donateur par exemple) peut remplir cette condition, même s’il n’a gardé aucun titre après la donation.

En revanche, lorsque le pacte Dutreil est réputé acquis, le donateur n’est pas signataire d’un engagement de conservation et l’un des donataires doit nécessairement remplir les fonctions de direction après la donation.

CA Douai, 17 mars 2022, n° 02/02264

2. Conséquences pratiques

Cette position, décrite par la réponse ministérielle Moreau de 2017, résulte d’une application stricte de l’article 787 B du CGI : en l’absence de pacte écrit, le donateur n’est pas signataire et ne peut pas remplir la condition d’exercice des fonctions de direction. 

Notez que le pacte Dutreil réputé acquis a été normalement créé pour pallier une négligence ou une absence d’anticipation de la transmission. On peut donc s’interroger sur la légitimité d’une différence de traitement entre un pacte signé et un réputé acquisReste que la jurisprudence valide ici la position de l’administration, pour la période antérieure au BOFiP actuel (version du 21 décembre 2021) ; il convient donc d’en prendre acte et d’agir en conséquence pour conseiller vos clients. 

Désormais trois éléments convergent dans le même sens : la réponse ministérielle Moreau, la jurisprudence (exemple de la CA de Douai) et la nouvelle rédaction du BOFiP. 

nouvelle rédaction du BOFiP

Avis ARK :

Pour éviter cette problématique, lorsqu’aucun pacte collectif n’a été signé, on peut envisager de donner (ou léguer) une fraction des titres à un associé tiers, qui pourra remplir les fonctions de direction après la transmission. En général, ce tiers est déjà impliqué dans la gestion avant la transmission.

Cette stratégie n’empêche en rien le donateur de procéder à une donation-partage (et de bénéficier de ses avantages) qui inclut à la fois ses enfants et cet associé tiers.

C. civ. art. 1075-2

Pour mémoire, un arrêt récent de la cour d’appel de Bordeaux exprimait déjà qu’un donataire devait exercer la fonction de direction éligible en présence d’un pacte réputé acquis. Toutefois, les arguments développés restaient ambiguës, car reposant sur la notion d’engagement collectif de conservation (“avec d’autres associés”), qui, depuis la mise en place de l’engagement unilatéral en 2019, n’a plus lieu d’être. La cour d’appel de Douai apparaît plus explicite.

CA Bordeaux, 23 nov. 2021, n° 19/03868

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