1. Définition

La donation entre époux de biens à venir, souvent appelée “donation au dernier vivant” ou “institution contractuelle”, est la convention par laquelle un époux exprime la volonté de laisser à son conjoint survivant, tout ou partie de ses biens présents et futurs, dans les limites permises par la loi.
Il est fréquent que chacun des époux consente à l’autre une telle libéralité.

Cette donation permet donc d’améliorer les droits du conjoint survivant en comparaison des droits légaux, en franchise de droits de succession, ce dernier en étant exonéré CGI, CGI, art. 796-0 bis

 

2. Forme

La donation entre époux peut être contenue dans le contrat de mariage, dans un acte de donation indépendant ou encore dans un testament (sur l’intérêt d’opter pour telle ou telle forme : voir infra la section “Révocabilité”).

Quelle que soit la forme prise par la donation au dernier vivant, elle aura les mêmes effets successoraux.

Remarque :

La composition du patrimoine au moment de la donation entre époux importe peu. Il n’est donc pas nécessaire d’en refaire une toutes les fois que le patrimoine des époux est modifié.

2.1. La donation notariée

L’acte de donation entre époux doit être rédigé, à peine de nullité, par un notaire (C. civ. art. 931) qui en assurera la conservation et la publication au Fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV).

Cette inscription au fichier permettra au notaire qui sera chargé du règlement de la succession de l’époux décédé en premier (que ce soit celui qui ait rédigé la donation entre époux ou un autre) de connaître l’existence de cette donation.

Attention :

Le fichier indique seulement que tel notaire (avec ses coordonnées) est en possession d’une disposition à cause de mort, mais il n’indique pas le contenu de cette disposition. Le notaire chargé du règlement de la succession devra alors prendre contact avec le notaire détenteur de l’acte de donation pour en obtenir une copie.

Les époux peuvent se consentir des donations réciproques, chacun fait une donation en faveur de l’autre, (dans un même acte ou dans 2 actes séparés), c’est-à-dire que mais ce n’est pas obligatoire. 

2.2. Le testament

La donation entre époux, contrairement à ce que son nom indique, peut également être réalisée par testament.

Le testament authentique aura les mêmes avantages que l’acte notarié de donation entre époux (conservation, publication…) et permettra surtout aux époux d’être utilement conseillés. Par ailleurs, il y aura peu de risque de nullité des actes.

Le testament olographe est également possible, mais il est fortement recommandé de prendre conseil auprès d’un professionnel du droit, pour s’assurer de sa validité et de son applicabilité. Par ailleurs, pour éviter le risque de perte ou de destruction du testament olographe, il est important, au moins, de le déposer chez un notaire et d’assurer sa publicité au FCDDV.

Il faudra impérativement que chaque époux rédige son propre testament, à peine de nullité (et que l’autre n’y intervienne en aucun cas). Le testament est un acte unilatéral.

 

3. Nature

La donation entre époux, contrairement à ce que son nom indique, ne peut être assimilée à une donation car elle n’entraîne pas le dessaisissement immédiat et irrévocable d’un bien présent.

Elle relève davantage du legs puisqu’elle accorde au conjoint survivant des droits sur les biens futurs. La donation au dernier vivant est d’ailleurs considérée, en droit international privé, comme constituant un pacte sur succession future ; c’est une institution purement franco-française.

4. Contenu

Article 1094 du Code civil : “L’époux, soit par contrat de mariage, soit pendant le mariage, pourra, pour le cas où il ne laisserait point d’enfant ni de descendant, disposer en faveur de l’autre époux en propriété, de tout ce dont il pourrait disposer en faveur d’un étranger.”

Article 1094-1 alinéa 1 du Code civil : “Pour le cas où l’époux laisserait des enfants ou descendants, issus ou non du mariage, il pourra disposer en faveur de l’autre époux, soit de la propriété de ce dont il pourrait disposer en faveur d’un étranger, soit d’un quart de ses biens en propriété et des trois autres quarts en usufruit, soit encore de la totalité de ses biens en usufruit seulement.”

Le conjoint survivant peut donc se voir gratifié, à son choix, d’une des quotités proposées par la loi, ou de biens précisément désignés. Ces quotités représentent des limites que l’on ne peut outrepasser sans risque d’action en réduction de la part des héritiers réservataires. Mais rien n’interdit de gratifier le conjoint survivant d’une quotité inférieure à celles prévues par la loi.

S’agissant d’une quotité disponible, elle se calcule sur la base de la masse de calcul de la réserve, soit en procédant à la réunion fictive des donations antérieures selon l’article 922 du Code civil.

L’étendue de la donation peut varier en fonction de la volonté des époux, ainsi que du nombre et de la qualité des divers héritiers.

Tableau : Droits du conjoint survivant obtenus du fait d’une donation au dernier vivant, selon la composition de la famille

Attention :

La rédaction des clauses de la donation entre époux aura des conséquences sur l’assiette des biens revenant au conjoint survivant. En effet, celui-ci peut se voir gratifié de l’intégralité de la succession ou de l’une des quotités disponibles spéciales entre époux seulement :

  • Clause de réduction automatique : la donation entre époux est limitée à l’une des quotités disponibles spéciales entre époux (elle porte sur “l’une des quotités disponibles permises entre époux”). Le conjoint ne pourra donc pas recevoir l’intégralité de la succession et se retrouvera en indivision avec les enfants en cas d’option pour des droits en pleine propriété ;
  • Clause de réduction facultative : le conjoint survivant reçoit l’intégralité des biens composant la succession. Il s’agit donc d’un legs universel (la donation entre époux porte sur “la toute propriété de l’universalité des biens du défunt”). Les héritiers réservataires peuvent soit exiger la réduction de la donation entre époux à l’une des quotités disponibles entre époux, soit accepter que cette donation s’exécute en totalité, en renonçant à exercer l’action en réduction.

Concernant les conséquences de ces clauses en matière de cantonnement, voir infra paragraphe 6.2.4.

5. Révocabilité

5.1. La forme de la révocation

La révocation peut être expresse : un testament olographe peut révoquer une donation entre époux contenue dans un autre testament olographe, ou encore un acte notarié de donation entre époux peut être révoqué par un autre acte notarié par exemple.

Cela dit, un testament olographe ou authentique peut révoquer une donation entre époux notariée, mais l’inverse n’est pas vraie (Cass. civ. 1ère 22 juin 2004).

La révocation peut également être tacite : elle résulte alors d’une autre disposition ayant pour effet d’annuler purement et simplement les effets de la donation comme, par exemple, le fait pour le donateur d’instituer un légataire universel.

Dans tous les cas, rien n’oblige l’époux donateur à informer son conjoint de sa décision de révocation, qui est un droit discrétionnaire de l’époux.

5.2. La liberté de révocation

Si la donation au dernier vivant est consentie par acte notarié de donation ou par testament, pendant le mariage : elle peut être annulée ou modifiée à tout moment par la seule volonté du donateur et ceci sans qu’il ait à en informer son conjoint.

Si la donation au dernier vivant est établie par contrat de mariage : en raison du principe d’immutabilité du régime matrimonial, elle ne peut pas être modifiée ou annulée librement. Les époux doivent procéder à un changement de régime matrimonial, avec toutes les conséquences que cela implique (accord des enfants, accord du juge, etc… pour plus de précisions sur ce sujet, voir fiche “Changement de régime matrimonial“).

5.3. La révocation automatique

En cas de divorce à compter du 1er janvier 2005, la donation entre époux est révoquée de plein droit (sauf manifestation de volonté contraire de celui qui l’a consentie lors du prononcé du divorce – C. civ. art. 265 – la donation, qui aura ainsi été maintenue de façon expresse dans la convention définitive de divorce homologuée par le juge, devient alors irrévocable).

Cass. civ. 26 octobre 2011

Remarque :

La Cour de cassation dans son arrêt du 10 juillet 2013 a jugé irrecevable la révocation de la donation de parts de SCI d’un mari à son épouse, dans la mesure où l’épouse bénéficiaire de la donation a par la suite donné la nue-propriété des parts de la SCI à ses enfants.

Le mari aurait dû appeler les bénéficiaires de cette donation en cause (nu-propriétaires) pour faire juger de cette éventuelle inopposabilité.

De plus, le mari a donné de l’argent à plusieurs reprises à cette société, de sorte qu’il ne s’agit pas de dons entre époux mais à une personne morale laquelle n’est pas dans la cause.

 

6. Effets

6.1. Du vivant du donateur

L’époux donateur conserve de son vivant la pleine propriété de son patrimoine. Il peut donc en disposer librement à titre gratuit (donation ou testament) ou à titre onéreux (vente, échange, hypothèque, etc…).

6.2. Au décès du donateur

La donation au dernier vivant ne prend effet qu’au décès de l’époux donateur et à condition que le conjoint bénéficiaire soit vivant.

6.2.1. Présence d’enfant(s) non commun(s) et substitution de la libéralité en usufruit

Si un époux fait à son conjoint une donation au dernier vivant en pleine propriété, alors cela peut porter atteinte à ses enfants non communs avec ce conjoint, puisqu’ils n’hériteront jamais de ce conjoint (n’étant eux-mêmes pas au nombre de ses héritiers).

Le Code civil permet donc à ces enfants non communs, lorsque la libéralité faite au conjoint survivant est en pleine propriété, de substituer à l’exécution de cette libéralité l’abandon de l’usufruit de la part de succession qu’ils auraient recueillie en l’absence de conjoint survivant (C. civ. art. 1098). Ils reçoivent alors des droits en nue-propriété dans la succession de leur parent prédécédé et deviendront plein propriétaires au décès du conjoint survivant usufruitier.

Chaque enfant non commun doit agir séparément, avant le partage de la succession.

Si la donation entre époux laisse au conjoint survivant le choix entre les trois options (la totalité en usufruit ; ou ¾ en usufruit et ¼ en propriété ; ou la quotité disponible ordinaire), alors l’article 1098 n’est pas applicable, quand bien même le conjoint survivant opterait pour la quotité disponible ordinaire en propriété (Cass. civ. 1ère 3 déc. 1996).

Remarque :

L’article 1098 n’est par d’ordre public, l’époux donateur peut donc en écarter l’application.

6.2.2. Importance du choix réalisé par le conjoint survivant

6.2.2.1. Choisir des droits de propriété

Avantages

Le conjoint est complètement indépendant et est maître des biens.
Par ailleurs, pour prétendre à certaines attributions préférentielles, il faut avoir un droit de propriété sur le bien : choisir des droits en propriété dans la donation entre époux permet donc de remplir cette condition.

Exemple :

Si le conjoint survivant est intéressé par la reprise de l’entreprise qui était un bien propre ou personnel à son époux prédécédé et qu’il avait participé à son activité, il pourra prétendre à l’attribution préférentielle. Sans donation entre époux avec un choix de gratification en propriété, cela ne serait pas possible.

C’est en général fiscalement plus intéressant pour les enfants puisqu’au premier décès, la masse taxable pour eux est moindre puisque le conjoint survivant s’est vu attribuer une partie de la succession en propriété. Par ailleurs, ils ont un abattement fiscal pour chaque décès (abattement au décès de l’époux donateur et abattement au décès du conjoint survivant).

Inconvénients

Avant le partage, le conjoint survivant est en indivision avec les autres héritiers, et la gestion peut ne pas être facile puisque l’unanimité est requise pour la plupart des décisions à prendre.
Si les héritiers et le conjoint ne se mettent pas d’accord sur le partage, alors il faudra procéder à un partage judiciaire.

6.2.2.2. Choisir des droits en usufruit

Avantage

L’usufruit permet au conjoint de conserver son train de vie, puisqu’il lui donne droit aux revenus produits par les biens successoraux.

Inconvénients

Dans la succession, il n’y a pas forcément de biens susceptibles de créer des revenus.
Par ailleurs, l’entente entre usufruitier et nu(s)-propriétaire(s) est indispensable puisque l’accord de tous est requis pour les actes de disposition (sauf exception pour les arbitrages dans les portefeuilles de valeurs mobilières, puisqu’ils constituent des universalités : Cass. Civ. 1ère 12 nov. 1998 dit arrêt Baylet). Un usufruit n’est pas toujours facile à vivre pour les parties.

À noter :

La dissimulation de fonds par le conjoint survivant ne pourra jamais être qualifiée de recel successoral en présence d’un usufruit universel (Cass. Civ 1ère, 29 juin 2011).

 

6.2.3. Non cumul des droits légaux du conjoint survivant et des droits issus de la donation entre époux

Aux termes de l’article 758-6 du Code civil (issu de la loi du 23 juin 2006), les droits du conjoint survivant issus de la donation entre époux s’imputent sur ses droits légaux. S’ils sont inférieurs, alors le conjoint peut réclamer le complément, mais sans jamais recevoir une part supérieure aux quotités prévues à l’article 1094-1 du Code civil (totalité en usufruit ; ou ¾ en usufruit et ¼ en propriété ; ou quotité disponible ordinaire).

Rappel :

Cette règle du non-cumul existait déjà à l’ancien article 767 alinéa 6 du Code civil, dans sa version antérieure à la loi du 3 décembre 2001.

Mais cette loi de 2001 a supprimé cet article, laissant alors naître un “flou” pour les décès ayant eu lieu entre le 1er juillet 2002 (date d’entrée vigueur de la loi du 3 décembre 2001) et le 1er janvier 2007 (date d’entrée en vigueur de la loi du 23 juin 2006), la loi de 2006 ayant réintégré le principe du non cumul dans le Code civil.

Pour cette période intermédiaire, il semble donc, selon la doctrine majoritaire et un avis de la Cour de cassation (Cass. avis 26 sept. 2006 n° 0060009P), que le cumul soit admis, mais bien sûr sans porter atteinte à la nue-propriété de la réserve héréditaire.

Une réponse ministérielle donne cependant une solution contraire (Rep. min. Hénard JOAN 3 mars 2003, n° 9142).

6.2.4. Cantonnement

Pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007, le conjoint peut, sauf disposition contraire du disposant, cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur (C. civ. art. 1094-1).

Remarque : 

Deux questions ont été posées au Sénat, le 19 novembre 2020,  concernant la faculté de cantonnement. 

  • La première interroge sur l’éventualité d’étendre le cantonnement aux avantages matrimoniaux et aux droits légaux du conjoint survivant,
  • La seconde porte sur la faculté de cantonner en usufruit alors que la libéralité a été faite en pleine propriété.

Il conviendra d’être particulièrement attentif aux réponses ministérielles qui pourraient venir élargir le domaine du cantonnement.  

Question Malhuret, JO sénat, 19 novembre 2020, n°18980
Question Malhuret, JO sénat, 19 novembre 2020, n°18981

 

La loi précise expressément que ce cantonnement ne constitue pas une libéralité en faveur des autres successibles (C. civ. art. 1002-1).

Fiscalement, les biens recueillis par les héritiers ou légataires en raison du cantonnement sont réputés transmis à titre gratuit par le défunt (CGI. art. 788 bis) (BOI-ENR-DMTG-10-20-50-30).

La rédaction des clauses de la donation entre époux aura également des conséquences sur la faculté de cantonnement offerte au conjoint survivant. La réduction pourra être facultative ou automatique, mais seule la clause de réduction facultative permettra au conjoint de cantonner ses droits sur des biens précis :

  •  Clause de réduction automatique (la donation entre époux porte sur “l’une des quotités disponibles permises entre époux”) : dans ce cas, le conjoint peut opter pour des droits en pleine propriété. Il se retrouve alors en indivision avec les enfants sur l’actif de succession. Le cantonnement ne permettant pas de transformer une quotité en biens déterminés dans cette hypothèse, le conjoint devra obtenir l’accord des enfants pour se voir attribuer la pleine propriété de certains biens. Cette attribution nécessitera la réalisation d’un acte de partage avec taxation au droit de partage de 2,5% ;
  •  Clause de réduction facultative (la donation entre époux porte sur “la toute propriété de l’universalité des biens du défunt”) : le conjoint survivant peut recevoir l’ensemble des biens de la succession et cantonner ses droits à certains biens seulement. Dans ce cas, si la valeur de ces biens n’excède pas la quotité disponible, la donation entre époux n’est pas réduite. Le cantonnement peut donc s’exercer sur des biens déterminés sans avoir besoin de régulariser un acte de partage coûteux.
Exemple :

Monsieur et Madame A sont mariés sous le régime de la séparation de biens. Monsieur A décède, en laissant pour lui succéder son épouse et son fils. La succession comprend la résidence principale des époux, des biens immobiliers de rapport, ainsi que la moitié de l’entreprise familiale, l’autre moitié appartenant à leur fils, qui y travaille également.

La donation entre époux laisse le choix au conjoint survivant entre les trois options.

Ce dernier opte pour la totalité en usufruit, mais cantonne son émolument à l’usufruit de la résidence principale et des biens immobiliers de rapport, estimant être ainsi assez protégé et souhaitant ne pas gêner son fils dans la gestion de l’entreprise.

Le fait que Madame ne veuille pas exercer son usufruit sur l’entreprise n’est pas assimilé à une donation au profit de son fils.

Remarque :

Certains auteurs estiment que le conjoint gratifié de la plus large quotité disponible a la faculté de cantonner ses droits en usufruit ou bien en propriétédans les limites de la quotité disponible spéciale puisqu’elle lui laisse le choix, contrairement à la faculté de cantonnement offerte au conjoint légataire qui n’a pas la possibilité de modifier la nature de ses droits et donc de ramener à un usufruit des droits qui lui avaient été offerts en pleine propriété.

6.2.5. Décès du conjoint survivant avant exercice de l’option

En principe, le droit d’option prévu à l’article 1094-1 du Code civil est transmissible aux héritiers du conjoint gratifié, décédé sans avoir effectué un choix, mais SAUF lorsque l’acte de donation stipule expressément que l’exercice de ce droit appartiendra au survivant seulement, une telle clause excluant la transmissibilité du droit (Cass. civ. 1ère 1er juillet 2009).

6.2.6. Renonciation

Au décès, hors le cas du cantonnement, le conjoint survivant se retrouve face aux trois alternatives suivantes.

6.2.6.1. Renoncer à ses droits légaux et à la donation au dernier vivant

Si le patrimoine du conjoint survivant est suffisant, la renonciation à ses droits légaux et à ses droits issus de la donation entre époux, peut permettre d’optimiser la transmission aux enfants. Ils pourront donc, si le besoin s’en fait sentir, appréhender une part plus importante de la succession du défunt.

C’est le cas d’un conjoint ayant suffisamment de biens propres/personnels ou d’un conjoint bien protégé par son régime matrimonial (avantages matrimoniaux).

6.2.6.2. Renoncer à ses droits légaux et accepter la donation au dernier vivant

Le conjoint qui veut bénéficier d’une quotité plus importante optera pour le bénéfice de la donation entre époux, et dans une telle hypothèse, la renonciation aux droits légaux ne devrait poser aucune difficulté, car les droits légaux sont généralement inférieurs aux droits conventionnels.

6.2.6.3. Accepter ses droits légaux et accepter la donation au dernier vivant

Le conjoint peut également se prévaloir uniquement des droits prévus par la loi. La principale motivation de ce choix sera la volonté pour le conjoint d’opter pour le tout usufruit, ce droit étant offert par la loi et par la donation ; l’intérêt ici sera d’éviter le paiement des droits d’enregistrements aux impôts (Rep. min. Leveau JOAN 14 juill. 2003, n° 12856).

Concrètement le conjoint survivant déclarera renoncer à ses droits conventionnels et choisir le tout usufruit légal ou le quart en propriété légal, selon le cas, soit dans l’acte de notoriété dressé suite au décès, soit dans un acte spécifique d’option.

Les hypothèses qui pourraient justifier l’annulation de cette renonciation à la donation entre époux sont par exemple l’existence d’un enfant d’un premier lit révélée postérieurement au règlement de la succession. En effet, la donation entre époux peut alors s’avérer plus intéressante que la vocation légale dans la mesure où le droit dévolu par la loi au conjoint est simplement du quart en pleine propriété. Dans cette hypothèse, la renonciation est nulle dans la mesure où la cause de la renonciation n’est plus valable suite à la découverte d’un enfant d’un premier lit (la cause de la renonciation était l’option pour l’usufruit légal). Par application des principes concernant la cause des actes juridiques, cette renonciation perd tout effet et le conjoint survivant peut à nouveau bénéficier de la donation entre époux.

6.2.6.4. Fiscalité de la renonciation

La renonciation à une donation entre époux par le conjoint survivant bénéficiaire entraîne sa caducité et une dispense d’enregistrement, et par là même une dispense de paiement du droit fixe (Rep. min. Leveau JOAN 14 juill. 2003, n° 12856).

 

 

 

7. Intérêts

Si la loi du 3 décembre 2001 modifie les règles successorales en accordant notamment davantage de droits au conjoint survivant les règles relatives à la donation entre époux n’ont pas été modifiées, certains s’interrogent sur l’utilité d’une telle disposition depuis l’entrée en vigueur de la loi de 2001.

Pourtant la donation au dernier vivant continue de présenter des avantages indéniables.

A côté des avantages matrimoniaux, du testament, et de l’assurance vie, la donation ente époux présente-t-elle encore des avantages ?

La réponse dépend de la situation familiale du défunt (présence d’enfants, tous communs ou non, composition des patrimoines des époux, régime matrimonial applicable, etc.) et du but recherché à travers la donation.

Elle reste un moyen efficace pour protéger son conjoint :

  • S’il y a moins de trois enfants, la donation entre époux offre au conjoint survivant une quotité en pleine propriété plus importante (1/2 s’il n’y a qu’un enfant et 1/3 s’il y a deux enfants) que celle offerte par les droits légaux (1/4 quel que soit le nombre d’enfants).
  • En présence d’enfants non communs, la donation entre époux permet au conjoint survivant de bénéficier de l’usufruit des biens de la succession, alors que ses droits légaux se limitent à 1/4 en propriété.
  • La donation entre époux permet de cumuler des droits en propriété et des droits en usufruit.
  • Les époux peuvent déterminer les biens qui composeront la part du conjoint survivant pour éviter l’indivision avec les héritiers réservataires des biens particuliers.
  • Possibilité de cantonnement pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2007.
  • La base de calcul pour déterminer les droits en propriété et les droits en usufruit est plus large dans le cadre d’une donation entre époux que dans le cadre des droits légaux.
  • En l’absence de descendants, la donation entre époux permet d’attribuer la totalité de la succession au conjoint survivant, écartant ainsi tous les autres héritiers, mais sous réserve de l’application du droit de retour conventionnel ou légal au profit des père et mère. La donation permet cependant d’écarter le droit de retour des frères et sœurs du défunt.
Remarque : 

La donation entre époux n’est pas toujours la solution la plus adaptée. Un testament peut très bien ouvrir des droits en usufruit sur tel bien au conjoint survivant, là où la loi n’accorde que des droits en pleine propriété.

A contrario, il peut supprimer toute option au conjoint survivant là où la loi accorde des droits en pleine propriété ou en usufruit, à la discrétion du conjoint survivant (en présence d’enfants uniquement communs, par exemple).

8. Avantages – Inconvénients

8.1. Avantages

  • L’époux donateur peut modifier et révoquer librement et à tout moment la donation de biens à venir, sans être obligé d’en informer son conjoint, sauf si elle a été réalisée par contrat de mariage.
  • Le dessaisissement n’est pas immédiat.
  • La donation de biens à venir peut porter sur tous types de biens meubles ou immeubles, même futurs.
  • Elle peut accorder plus de droits sur la succession au conjoint en présence de descendants.
  • Elle permet à l’époux donataire, sauf stipulation contraire du donateur,  de cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a été disposé en sa faveur.
  • Elle offre la possibilité de supprimer ou aménager le droit de retour en faveur des frères et sœurs.
  • C’est une protection facile à mettre en place et à moindre coût (environ 300 €).

8.2. Inconvénients

  • L’époux donataire encourt les effets de la libre révocabilité des donations entre époux.
  • La gratification est limitée à la quotité disponible spéciale entre époux (article 1094-1 du Code civil). Si tel n’est pas le cas, elle sera réduite pour atteinte à la réserve.
  • La donation de biens à venir ne prend effet qu’au décès du disposant.

 

9. Textes de référence

C. civ. art. 1091 à 1099-1

 

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